Les Trains de projectiles pour la Lune

La découverte — vagabonder à la recherche de l'inimaginable, se perdre en essayant de trouver les portes du paradis d'un nouveau monde — c'est cela l'or de l'aventurier. Me voilà assis, en sécurité et stable, né trop tard pour explorer la vie de notre planète et trop tôt pour en explorer d'autres. Assis près d'une fenêtre et contemplant le port, l'imagination d'un enfant est stimulée par les navires accostant, par toutes ces histoires d'un autre monde arrivant à quai — des animaux sauvages, une montagne plongeante, des monuments colossaux, des trésors invisibles, que pourraient dire ces marins de tout ce qui est caché par la mer? En grandissant, l'imagination de Jules Verne ne cesse de jeter un œil à travers la fenêtre. L'envie forte d'aventure le mène à abandonner une carrière d'avocat, l'amenant non pas de l'autre côté du monde, mais à tous les recoins de la bibliothèque. Bien que ses récits décrivent précisément beaucoup de cultures et de lieux, prédisant même des avancées technologiques comme les fusées et les sous-marins, il doit la précision de ses conjectures à des recherches intenses, à des amis parmi la communauté scientifique ainsi qu'à une prodigieuse imagination. Les illustrations des livres de Verne, dont celles de l'artiste d'aujourd'hui, éveillent pareillement l'imagination. 

A titre de comparaison, l'Hudson River School est un groupe inspiré de peintres basé à New-York. Au milieu du XIXème siècle, une grande partie de l'Amérique du Nord reste encore inconnue des colons et du reste du monde, et ces peintres visent donc à trouver et à représenter la beauté cachée du nouveau continent. Imaginez ce que ça serait de tomber sur l'Upper Geyser Basin, de voir toutes ces couleurs folles, la folie du scénario, presque extraterrestre pour un regard neuf. Ils veulent que les gens croient que de tels lieux existent, mais aussi les faire se sentir fascinés; ainsi, de grandes toiles sont peintes dans un mélange subtil de réalisme et de romantisme, ressemblant beaucoup à la représentation de de Montaut d'un voyage vers une lune lointaine. Pas même Jules Verne ne pouvait imaginer qu'un jour, touchant une vitre illuminée tenant dans la poche, un enfant pourrait voyager via des images réelles n'importe où sur le globe. Le monde que l'Hudson River School a essayé de montrer est désormais facilement visible via Google Earth, mais aussi magique que puisse paraître de naviguer sur Street View, il me semble que l'émerveillement de la découverte absolue a été perdu. Il est difficile d'être surpris quand toutes les attentes ont été gérées, tous les lieux visités. C'est donc avec une grande excitation que j'ai attendu l'annonce de la NASA cette semaine, qui a révélé que des volutes d'eau ont été observées sur Europe, une petite lune couverte de glace orbitant Jupiter. 

Dans les années 1970, les scientifiques arrivent à la conclusion que certaines formes de vie, une alternative à la photosynthèse, existent par chimiosynthèse — accumulant de l'énergie indépendamment de la lumière du soleil. C'est donc particulièrement passionnant d'entendre qu'Europe, l'une des lunes de Jupiter dont on suspecte depuis plusieurs années qu'elle contient de la glace, a des éruptions composées de vapeur d'eau. Cela nous rapproche de la découverte d'eau liquide sous la couche externe de glace — un élément clé pour maintenir la vie (du moins, la vie telle que nous la connaissons). Qui sait, un jour prochain une équipe d'aventuriers intrépides atterira sur Europe et voyagera dans une machine sous-marine à la Jules Verne, à l'intérieur de la capsule de glace, contemplant pour la toute première fois la réponse à l'une des questions ultimes: Sommes-nous seuls dans cet univers? Ah, quelle révélation ce serait. 

- Artur Deus Dionisio. 

Merci Mark d'avoir inspiré la description d'aujourd'hui :)